La compensation écologique permet-elle vraiment de tendre vers l’absence de perte nette de biodiversité ?
Un article de Brian Padilla, Salomée Gelot, chercheurs à l'Unité Patrinat (MNHN, OFB, CNRS, IRD), Adrien Guette, de l'Université de Tours, et Jonathan Carruthers-Jones, de l'Université de Leeds.
Publication de la revue Cybergeo du 15 février 2024, à retrouver en libre accès ici.
Résumé
Depuis 2016, le droit français poursuit un objectif de non perte nette de biodiversité en imposant aux projets ayant des incidences sur la biodiversité d’éviter, de réduire, puis de compenser ces incidences. Les mesures compensatoires doivent générer des gains écologiques suffisants, ce qui suppose qu’elles soient réalisées sur des sites en mauvais état écologique. Cet article analyse le contexte écologique dans lequel ont été réalisées 1 153 mesures compensatoires, entre 2017 et 2021, sur le territoire hexagonal français. En utilisant des données de la « naturalité potentielle de France métropolitaine », nous comparons d’une part les scores d’intégrité biophysique des sites choisis et d’autre part les scores de qualité écologique incluant un indice de connectivité du paysage autour des sites, par rapport aux scores nationaux. Nos résultats montrent que 64 % de la surface des sites de compensation se situe sur des espaces où le score d’intégrité biophysique est supérieur à la médiane française, et que 40 % se situe sur des espaces où il est supérieur au dernier quartile. En revanche, la majorité des sites de compensation se trouve dans des paysages présentant une qualité écologique inférieure à celle du territoire hexagonal. Ces résultats suggèrent que la stratégie de localisation des mesures compensatoires ne vise pas prioritairement à générer un gain écologique important, mais répond à d’autres contraintes économiques et foncières. Cela questionne l’efficacité de la compensation à tendre vers l’absence de perte nette de biodiversité.