Exploration des interactions dans l’holobionte algal pour la découverte de nouveaux antifoulings éco-compatibles
Doctorante : Emilie ADOUANE (2020-2023)
Le besoin de composés antifouling non toxiques
Les biofilms sont des communautés complexes de microorganismes en contact avec une surface et incluses dans une matrice qu’elles sécrètent. Ils sont omniprésents dans les environnements et ont un rôle majeur dans le fonctionnement des écosystèmes et des cycles géochimiques. En milieu marin, il se développent sur des surfaces immergées, un phénomène appelé « biofouling » ou bioencrassement, à l’origine de nombreux problèmes pour les activités marines militaires et civiles.
La plupart des composés antifouling utilisés actuellement sont des biocides ayant un effet toxique sur l’environnement. Aucune alternative durable n'a été développée à grande échelle pour résoudre ce problème environnemental majeur en raison du manque de composés disponibles présentant une faible écotoxicité. Cependant, ces composés chimiques existent dans la nature : de nombreuses espèces marines ont développé des stratégies pour se protéger du biofouling. C'est le cas de certaines macroalgues qui sécrètent des molécules ciblant le quorum sensing, un type de communication bactérien clef dans la formation des biofilms, limitant ainsi leur colonisation par des bactéries pathogènes.
Une stratégie innovante pour trouver de nouveaux composés naturels durables dotés d’activité antifouling est donc de cibler les principaux mécanismes responsables de la formation de biofilms mais qui n’affectent pas viabilité cellulaire. En ce sens, l'application de composés à activité «quorum quenching », capables d'inhiber le quorum sensing sans effet toxique, pourrait constituer une stratégie prometteuse contre le biofouling.
Un microbiote algal prometteur
Notre connaissance des holobiontes algaux (les algues et les microorganismes, ou microbiote, qu'elle hébergent) a révélé l’existence et les rôles écologiques d’un microbiote qui est capable d’impacter l’état de santé de l’algue hôte. L’épimicrobiote algal est le siège d’une communication chimique intense et dynamique, multidirectionnelle et multipartenaires, qui régule l’organisation des biofilms en surface de l’algue.
Les mécanismes clefs mis en jeu dans la formation de ces biofilms ont été très peu étudiés. Nous avons cependant démontré que l'épimicrobiote de l'algue Saccharina latissima, espèce clé des côtes du nord de l'Europe, produit des médiateurs chimiques capables d'inhiber le quorum sensing bactérien et par extension d'inhiber la formation de biofilms. Le dialogue moléculaire du micro-écosystème hébergé par l'algue apparaît ainsi comme une cible bio-inspirée efficace pour trouver de nouveaux composés naturels durables, respectueux de l'environnementet à activité antifouling.
Soizic Prado* et Raphaël Lami**
* Muséum national d'Histoire naturelle, Unité Molécules de Communication et Adaptation des Microorganismes, UMR 7245 MNHN/CNRS
** Laboratoire de biodiversité et biotechnologies microbiennes (LBBM), Observatoire de Banyuls, Sorbonne Université