Gouvernance des bioénergies : analyses éthiques et épistémologiques

 

Doctorant : Clément LASSELIN (2021-2024)

Evaluer l'intérêt des bioénergies

À la complexité des enjeux environnementaux et sociaux actuels répond une complexité des systèmes techniques et normatifs devant permettre de les traverser. Pour chaque technologie de la « transition environnementale », la multiplicité et l’intrication des effets à prendre en compte nécessitent une gouvernance suffisamment informée, souple et robuste.

Les bioénergies nous intéressent tout particulièrement à ce sujet. Alternative aux carburants fossiles et à la motorisation électrique présentée tantôt comme miraculeuse, tantôt comme aberrante, leur production requiert des systèmes techniques complexes joignant agriculture et industrie. Évaluer leur intérêt nécessite donc de prendre en compte les effets directs de la production de biomasse (combinée à la production existante non-énergétique) ; les effets sur les systèmes agricoles à visée alimentaire ; les effets de la transformation industrielle ; les effets de la consommation selon l'état de la demande.

Cette extension des systèmes techniques de production conduit à une extension des impacts environnementaux possibles directement causés par des êtres humains. Elle conduit également, par là, à une extension du champ de leur responsabilité, ce qu'ils modifient techniquement relevant de choix et de motivations diversement justifiés à intégrer dans une réflexion éthique.
 

Axes de travail

Notre travail, inspiré par la philosophie des sciences et par la philosophie politique, consiste dans un premier temps à décrire les modalités de représentation et d’évaluation des systèmes de production des bioénergies par différents acteurs : scientifiques (biologistes, ingénieurs agronomes, ingénieurs de l’énergie), technico-économiques (agriculteurs, industriels, distributeurs, consommateurs), politico-juridiques (gouvernements, administrations, juristes), citoyens.

L’enjeu est ici d’identifier des réseaux de relations épistémiques ainsi que les défaillances pouvant altérer ces représentations et évaluations. Nous nous intéressons notamment aux justifications et à l’influence du choix des catégories d’effets mobilisés pour les évaluations environnementales standardisées, lequel dépend de croyances quant à ce qu’il est pertinent de représenter et aux manières de le représenter. Nous souhaitons notamment étudier comment le bien-être humain est pris en compte dans les analyses de cycle de vie, au travers d'un rapprochement avec les évaluations de services écosystémiques.

Par suite, nous cherchons à identifier en quoi ces modalités de représentation et d’évaluation diversement justifiées déterminent les décisions, normes et actions des acteurs, selon leur situation dans des systèmes techniques et normatifs. Ainsi, la production des bioénergies « conventionnelles » fut vivement encouragée avant que son intérêt soit nuancé par la publication de multiples études d’impacts évaluant leurs effets avec une meilleure précision. Dans un contexte d'urgence environnementale et à l'heure où débutent les premières commercialisations de biocarburants « avancés », il est impératif d'ouvrir des pistes d'amélioration de la qualité des informations reçues et mobilisées par les preneurs de décision et de l'usage de ces informations, ce en étudiant les modalités d'évaluation et de suivi de la production des nouvelles « générations » de bioénergies. Au travers d’études de cas précises, nous interrogeons notamment le rôle de l’expert dans l’orientation des décisions politiques et de justice.

Sébastien Barot*, Leslie-Anne Duvic-Paoli** et Anouk Barberousse***

* iEES, Sorbonne Université

** King’s College London

*** UFR de philosophie, Sorbonne Université

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Clément Lasselin