La dialyse verte : une démarche écologique en milieu hospitalier

L’eau est une ressource naturelle en diminution en raison du changement climatique et des sécheresses récurrentes. Dans de nombreux pays, elle est trop précieuse pour être gaspillée, alors que dans les pays développés, elle est encore considérée – à tort- comme une ressource illimitée. Notre projet vient donc de questions qui se posent dans les pays « chauds », et est porté par un doctorant marocain en cotutelle entre l’UTC et l’Université de Fès. Son co-directeur est responsable du service de néphrologie et du centre de dialyse de cette ville.

La technique d’hémodialyse sauve de nombreux patients en insuffisance rénale chronique. Son expansion contribue donc à une amélioration de la santé de la population mondiale. Cependant, elle doit être considérée comme un traitement à fort impact sur le plan écologique : elle utilise notamment de grands volumes d’eau (entre 300 à 500 L/patient/séance). En France, un rapide calcul amène à une consommation estimée à environ 3 millions de m3/an pour la prise en charge des patients hémodialysés.

Il convient donc de réfléchir, dans une perspective de transition écologique, à la réutilisation de cette eau qui, pour l’instant, part à l’égout. D’une part, environ 250 à 300 L d’eau par patient et par séance rejetés à l’égout pendant le processus d’osmose inverse ne sont jamais en contact avec le patient, et sont donc non dangereux. D’autre part, environ 120 à 200 L de dialysat par séance se chargent en toxines urémiques et sont ensuite évacués dans l’égout, ce qui représente un danger pour l’environnement et les stations d’épuration puisque ces effluents contiennent leur part résiduelle d’agents pathogènes et de produits pharmaceutiques : la faune et la flore locale sont donc potentiellement en danger.

Un des principaux freins à la réutilisation de l’eau issue de la boucle d’osmose inverse (OI) est sa salinité, qui interdit tout usage direct. Le « traitement » actuel consiste donc à la diluer, ce qui est paradoxal, et inenvisageable dans les pays qui sont déjà en pénurie d’eau. Les praticiens de la néphrologie, sensibilisés depuis peu, ne sont pas préparés à la question du recyclage des déchets, et ne peuvent appliquer que des procédés très simples. Nous proposons donc d’évaluer des stratégies alternatives pour réduire la réutilisation des effluents OI et de dialysat dans les centres de dialyse.

Dans ce projet, après une étude bibliographique et une étude de terrain sur les pratiques actuelles, nous avons évalué en conditions réelles (avec de l’eau récoltée sur le site de la Dialoise à Compiègne) la technique d’électrodialyse qui permet à coût faible de dessaler l’eau issue des centres de dialyse, en provenance de la boucle de prétraitement, ou du traitement lui-même. Cette eau traitée pourrait ensuite être réemployée sur site.

Notre projet pour le traitement de l’eau, faisant appel à des techniques déjà connues en génie des procédés, est donc innovante quant à son domaine d’application, et a bénéficié de notre connaissance fine de la composition de l’eau de dialyse. En effet, celle-ci est relativement peu salée par rapport à l’eau de mer pour lesquelles des techniques de désalinisation existent et ont déjà été bien décrites dans la littérature. Cependant, elles n’ont jamais été appliquées par le manque de croisement des disciplines scientifiques et des champs d’application.

Ce travail a été réalisé dans le cadre de la thèse de Ahmed Abarkan, en co-tutelle entre l’UTC et l’Université Sidi Mohammed Ben Abdellah de Fès au Maroc. La soutenance a eu lieu le 16 décembre 2021. La partie sur l’électrodialyse a fait l’objet d’un article scientifique paru dans la revue Membranes.

Contact

Cécile Legallais, directrice de recherche CNRS

UMR CNRS 7338 – Biomécanique et Bioingénierie, Université de technologie de Compiègne (UTC)