Le Bichique, à l'interface entre écologie et anthropologie
Le projet s'intéresse à une espèce ressource, emblématique et patrimoniale sur l’île de la Réunion, Sicyopterus lagocephalus, caractérisée par un stade post-larvaire, appelé « bichique ».
Les hydrosystèmes insulaires de la région Indo-Pacifique sont généralement constitués de jeunes rivières oligotrophes qui subissent des alternances de crues et d’assèchements plus ou moins marqués, liées aux alternances de saisons humides et sèches. Ces événements météorologiques fréquents, ainsi qu’une importante pression anthropique, provoquent régulièrement de fortes diminutions de l’abondance de la faune des rivières allant parfois jusqu’à l’extinction.
Ces particularités hydrologiques saisonnières expliquent pourquoi ces rivières insulaires abritent de nombreuses espèces d’organismes amphidromes, c’est-à-dire dont le cycle de vie se déroule en partie en rivière (stades juvénile et adulte) et en partie en mer (stade larvaire). Parmi les espèces amphidromes peuplant les rivières insulaires du Sud-Ouest de l’Océan Indien, on trouve Sicyopterus lagocephalus, caractérisé par un stade post-larvaire, appelé localement « bichique », qui remonte massivement dans les rivières lors des périodes de recrutement.
Cette espèce présente un attrait variable aux yeux des habitants des différentes îles. Ainsi, le bichique est une ressource emblématique et patrimoniale sur l’île de la Réunion où il est la cible d’une pêcherie traditionnelle à la nasse, effectuée exclusivement par les hommes dans des canaux construits aux embouchures des rivières, mais aussi en mer et par la pêche à pied. Constituant un met très recherché sur cette île, le bichique se vend à un prix moyen de 50 €/kg. Mais, lorsque le recrutement est faible et la quantité de bichiques pêchée peu abondante, les prix peuvent atteindre 80 voire 90 €/kg, ce qui pose le problème de l’équité de l’accès à la ressource, et de sa pérennité. Le bichique revêt donc une importance économique et sociétale considérable à La Réunion.
A l’inverse, à Mayotte, le bichique ne suscite aucun intérêt. Il peut faire l’objet d’une pêche d’opportunité, occasionnelle à l’échelle familiale.
Ce projet vise à comprendre pourquoi le rapport au bichique est si diamétralement opposé entre La Réunion et Mayotte.